Des études révèlent que les femmes sont toujours largement sous-représentées dans l'industrie du cinéma. Seuls 20 % des réalisateurs, scénaristes, producteurs, éditeurs et directeurs de la photographie ayant travaillé sur les 100 films les plus rentables aux États-Unis en 2019 étaient des femmes. De toute évidence, il reste encore beaucoup à faire pour intégrer les femmes dans ce milieu, mais les choses avancent.
La campagne « Women Who Photo & Film » a été lancée par The Photography Show & The Video Show en 2018 afin de mettre en lumière le travail des photographes et des cinéastes féminines. Cette année, le salon a été organisé en ligne et a réuni 21 ambassadrices.
Carys Kaiser a exercé quasiment tous les métiers dans ce secteur, de l'enregistrement du son à la production-réalisation. Elle travaille sur des productions télévisées au Royaume-Uni depuis 17 ans et s'est lancée dans la photographie par drone en 2015.
Heather Hughes est devenue sourde à l'âge de trois ans, mais n'a jamais laissé ce handicap entraver sa carrière de vidéaste, produisant des vidéos de voyage, d'entreprise, de mariage ainsi que des vidéos destinées aux réseaux sociaux.
La réalisatrice Ashleigh Jadee a commencé par la photo avant de s'orienter vers la vidéo, la production et la réalisation. Elle est aujourd'hui spécialisée dans la réalisation de tournages pour l'industrie de la musique et de la mode, et a tourné pour des artistes comme Skepta, Wiley et Wretch 32.
Dans cet article, les trois professionnelles, toutes basées au Royaume-Uni, partagent leurs expériences professionnelles dans l'industrie du cinéma et proposent des conseils à celles et ceux qui espèrent suivre la même voie.
ARTICLE
Coup de projecteur sur des femmes cinéastes
Comment avez-vous réussi à percer dans la réalisation ?
Si Carys a débuté en tant que maquilleuse, elle a rapidement compris que sa place se trouvait en réalité derrière les caméras. « J'avais l'habitude d'observer les cadreurs et les réalisateurs, qui étaient tous des hommes, et je me disais : "C'est ça que je veux faire." » La rencontre avec un réalisateur lors d'un tournage sur un plateau lui a permis de découvrir cet univers et lui a donné envie d'aller plus loin.
Heather a été cheffe de projet dans une maison d'édition pendant 18 ans avant d'être licenciée. « J'ai vu que le City Lit College de Londres proposait une formation sur la réalisation narrative », explique-t-elle. « J'ai réalisé un sketch humoristique de trois minutes. Je pense avoir été la seule à avoir été au bout de ce projet, et tout le monde a bien ri en le voyant. » Heather a accompagné un ami en tant que vidéaste sur une séance photo de mariage, puis s'est lancée dans la réalisation professionnelle.
« À l'âge de 20 ans environ, je suis passée à un appareil photo Canon », raconte Ashleigh, qui utilisait auparavant un Canon EOS 60D (désormais remplacé par le Canon EOS 90D). « C'est à ce moment-là que j'ai commencé à expérimenter la vidéo, parce que mon appareil photo me permettait de prendre des photos et de réaliser des vidéos. Je me suis lancée en filmant mes amis en train de faire de l'impro. »
Ashleigh a tourné un documentaire sur l'un de ses amis pendant qu'il réalisait son album, puis a travaillé brièvement dans la production, avant de retourner derrière une caméra afin de réaliser un clip vidéo pour l'un de ses amis. Ce clip lui a permis de décrocher son premier poste de réalisatrice au sein du label Universal Records.
Possédez-vous un équipement Canon ?
Quelles sont vos sources d'inspiration ?
« J'observe toutes sortes de choses », explique Carys. « Si je travaille sur une création originale, je peux m'inspirer de ce que j'ai vu sur YouTube il y a trois ou quatre ans, mais ça peut également être des livres, des magazines ou des programmes télévisés. »
Elle puise également son inspiration en collaborant avec les autres membres du jury « Women Who Photo & Film ». « Toutes les femmes qui mènent leur propre parcours dans la photographie ou la réalisation sont une source d'inspiration », précise-t-elle.
Heather s'inspire de la télévision et des films. « Je suis une fan absolue des séries telles que Firefly », explique-t-elle en faisant référence à la célèbre série de science-fiction. « Je m'inspire beaucoup des aspects théoriques de la télévision en observant comment les prises de vues sont réalisées, comment l'atmosphère est créée. »
À l'instar de Heather, Ashleigh adore également regarder des vieux films et clips vidéo. « J'emprunte une scène ou une partie mémorable d'une scène et je la reproduis à ma façon dans mon travail », raconte-t-elle. « Parfois, je m'appuie sur des anecdotes, des expériences personnelles. »
Que pensez-vous de la campagne « Women Who Photo & Film » ?
« La campagne met en avant les expériences très diverses des femmes », déclare Carys. « Elle montre que les femmes ne se contentent pas de travailler sur des mariages, elles sont présentes partout. »
« Je participe au salon The Photography Show depuis sa création », ajoute Heather. « Chaque année, je trouve l'événement très inspirant. Au début de ma carrière, je ne savais pas vraiment quel type de photos ou de vidéos je souhaitais réaliser. »
Ashleigh explique que de telles initiatives sont très importantes car le secteur reste largement dominé par les hommes. « Je pense que nous avons toujours besoin de représentation, qu'elle soit ethnique, sexuelle, etc. Observer quelqu'un à un poste que l'on souhaite occuper peut pousser de nombreuses personnes à ne plus douter d'elles et à faire leurs premiers pas vers leurs objectifs. »
Les femmes dans l'industrie cinématographique : percer dans le secteur
Avez-vous ressenti l'impact des préjugés de genre dans le cinéma ?
Lorsque Carys a commencé à travailler avec un drone, elle n'a pas toujours été prise au sérieux. « Quelqu'un m'a dit que c'était trop compliqué et que je n'y parviendrai pas. J'ai alors pris conscience que tous les métiers que j'avais exercés jusqu'alors étaient principalement occupés par des hommes : photographe, vidéaste, réalisateur, éditeur, opérateur de drone.
« Mais je pense que le vent tourne. Je n'ai pas cherché à servir d'exemple aux femmes. Ça s'est fait naturellement. Mais si je pouvais donner envie ne serait-ce qu'à une seule femme ou à un seul homme de faire voler un drone, ce serait déjà très bien. »
« C'est un milieu relativement masculin, en tous cas dans le secteur de la diffusion », précise Heather. « J'utilise une caméra de diffusion que j'ai acquise en partie pour être sur un pied d'égalité [avec les hommes]. Il y a des hommes qui se gargarisent de considérations techniques, ce qui intimide certaines femmes. »
Quel est votre équipement ?
Pour ses tournages, Heather utilise une Canon XF705. « C'est une caméra vidéo de bonne qualité », confie-t-elle. « Lorsque je réalise des interviews, j'utilise la Canon XF705. L'autofocus est vraiment incroyable. C'est comme dans un studio, le résultat et impeccable. »
Lorsqu'elle travaille sur des projets pour la télévision, Carys utilise le Canon EOS C300 Mark III et le Canon EOS C500 Mark II. « Contrairement aux autres fabricants de caméras destinées à la télévision, Canon propose des appareils qui prennent en charge les espaces colorimétriques », explique-t-elle. « Toutes les teintes de peau sont vraiment belles sur les appareils Canon. »
Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui débutent dans la réalisation ou qui passent de la photo à la vidéo ?
Carys, qui réalise à la fois des photos et des vidéos, exhorte les gens à avoir confiance. « Si vous êtes capable de choisir le bon cadrage lorsque vous prenez des photos, vous êtes capable de réaliser des vidéos car les compétences requises sont tout à fait similaires. Apprenez les règles, puis commencez à vous en affranchir pour créer votre propre style. »
Au début, de nombreuses jeunes cinéastes son tentées de travailler gratuitement pour se faire connaître et nouer des contacts dans le milieu, mais Carys incite à la prudence. « Ne sous-estimez pas votre travail. J'ai passé beaucoup de temps à me dévaloriser, mais j'ai ensuite commencé à défendre mes intérêts financiers. Aujourd'hui, non seulement je suis plus heureuse de mon travail, mais les gens ont également plus d'estime pour moi. »
Heather recommande aux débutantes de ne pas baisser les bras. « Je ne me rendais pas compte des hauts et des bas que j'allais devoir traverser et des difficultés que j'allais rencontrer à me créer un réseau. Vous devez vous à tout prix vous accrocher. Mais n'oubliez pas de vous écouter et de déterminer ce que vous souhaitez réaliser. »
Ashleigh conseille à celles et ceux qui veulent percer dans ce secteur de développer un réseau, de rencontrer des gens et de renforcer leur confiance. « Tout repose sur les relations », affirme-t-elle. « J'ai toujours été timide et manqué de confiance, ce qui m'a empêché d'aller de l'avant. »
Elle recommande aux réalisatrices en herbe de travailler sur leur développement personnel. « Vous devez comprendre les gens et savoir comment opérer sur un plateau, parce que tout le monde a les yeux rivés sur vous. Outre les projets spécifiques, concentrez-vous sur ce qui vous anime, parce que cela vous permettra de démontrer le type de réalisatrice que vous êtes. »
Jusqu'à présent, quel a été le temps fort de votre carrière ?
« Tous les projets que j'entreprends me passionnent », raconte Carys. « Récemment, j'ai réalisé un tournage avec Heather Small, Alexandra Burke et David Grant pour le programme « Songs of Praise - Gospel Singer of the Year », mais aujourd'hui, j'étais particulièrement enthousiaste parce que je devais filmer un homme sur une colline avec une planche à repasser. J'ai le sentiment de faire le plus beau métier du monde, et ça, c'est ce qui compte le plus pour moi. »
« Cet esprit de camaraderie avec les autres réalisateurs est très fort », explique Heather. « J'ai découvert une communauté et c'est génial. Les gens sont adorables. »
« Le moment le plus marquant a été la réalisation des séquences numériques « Out-of-Home » pour la campagne de Noël 2018 de H&M », raconte Ashleigh. « C'était dingue parce que les prises de vues ont été tournées dans le centre commercial Westfield, dans mon quartier, et j'ai pu voir mon travail sur des panneaux publicitaires gigantesques et sur Oxford Street. Mon premier tournage m'a également marqué, car c'est à ce moment-là que je me suis dit : "Je veux me sentir comme ça chaque fois que je vais travailler." »